- TRYPANOSOMIASES
- TRYPANOSOMIASESLes trypanosomiases, ou trypanosomoses, sont des maladies parasitaires, engendrées par des protozoaires flagellés, les trypanosomes. En Afrique, il sont inoculés à l’homme par la piqûre des mouches tsé-tsé (ou glossines), tandis qu’en Amérique ils sont transmis par les déjections de grosses punaises, les réduves. Il faut préciser d’emblée que le trypanosome représente le seul lien réunissant deux affections que rien ne rapproche par ailleurs: la trypanosomiase africaine, ou maladie du sommeil, et la trypanosomiase d’Amérique du Sud, ou maladie de Chagas.La trypanosomiase africaineAgent vecteur et agent pathogèneLa maladie du sommeil se trouve strictement cantonnée à l’Afrique tropicale, entre les 15es parallèles nord et sud, là où règne l’insecte indispensable à la transmission de la maladie. Deux horizons africains d’écologie différente se partagent le domaine de l’affection et correspondent à deux biotypes de mouches: Glossina palpalis , insecte hygrophile qui affectionne les épaisses forêts chaudes et très humides du bassin du Congo; Glossina morsitans , espèce xérophile qui préfère les vastes savanes arborescentes plus chaudes et surtout beaucoup plus sèches de l’Est africain où les grands gibiers paissent par troupeaux entiers. La première inocule à l’homme Trypanosoma gambiense , la seconde Trypanosoma rhodesiense.Ces trypanosomes, parasites unicellulaires sanguicoles très mobiles, appartiennent à la même famille que les Leishmanias (cf. LEISHMANIOSES); ils circulent et prolifèrent dans le sang, les ganglions et le liquide céphalo-rachidien. Leur corps protoplasmique, en forme de croissant très effilé de 20 à 40 猪m de long sur 2 猪m de large, renferme un gros noyau central et un plus petit postérieur, d’où part un long filament, le flagelle, qui borde latéralement le protoplasme en déterminant la formation d’une membrane ondulante et se prolonge en avant du parasite (cf. figure). On rencontre de nombreuses espèces de trypanosomes dans presque toutes les classes de Vertébrés, et la question de leur pluralité ou de leur unicité a été à l’occasion de longues discussions.Évolution des trypanosomesLes glossines, surnommées «mouches tsé-tsé» à cause du bruissement de leurs ailes, sont des insectes piqueurs et hématophages. Mâles et femelles s’infestent en absorbant le sang d’hommes ou d’animaux sauvages malades. Les parasites alors ingérés se multiplient dans l’intestin de l’insecte et subissent une évolution cyclique (cf. figure); quelques-uns seulement arrivent péniblement à remonter le tube digestif à contre-courant jusqu’aux glandes salivaires où ils terminent leur évolution. À ce moment, la mouche est devenue infestante et le reste tout au long de sa brève existence (quatre à six mois).Mode de transmission et symptomatologieUn nouveau repas sanguin, nécessaire tous les deux jours et pendant lequel la mouche absorbe une à deux fois son poids de sang, est alors l’occasion de contaminer l’homme ou l’animal. Les autres modes de transmission de la maladie sont exceptionnels.Un chancre d’inoculation marque parfois la piqûre. Plus souvent, la maladie apparaît après une incubation silencieuse de huit à quinze jours et se déroule classiquement en deux phases successives: la phase lymphatico-sanguine, puis la phase nerveuse. En pratique, ces deux périodes se chevauchent très souvent avec des déterminations encéphalo-méningées précoces.– La fièvre est constante tout au long de l’évolution; elle s’étend sur des mois ou des années et dessine une courbe très capricieuse.– Les adénopathies représentent l’un des signes majeurs de la maladie: les ganglions sont vite tuméfiés; en outre, le foie et la rate sont quelquefois hypertrophiés.– De grands placards rouge violacé, les trypanides , apparaissent sur la peau.– Des manifestations cardio-vasculaires , digestives et génitales (impuissance chez l’homme, arrêt des règles et avortement chez la femme) enrichissent souvent le tableau clinique, alors que l’état général du malade s’altère et que l’amaigrissement devient progressivement impressionnant.– Des signes neuropsychiques très variés, autre aspect caractéristique de la maladie, peuvent apparaître rapidement: céphalées, troubles de la sensibilité, troubles moteurs, troubles mentaux avec accès d’agitation aiguë, et enfin ces troubles du sommeil qui ont donné leur nom à la maladie. En réalité, cet état de sommeil quasi permanent ne s’observe qu’au stade ultime. Devenu squelettique, le malade décède, après avoir connu un état de torpeur et d’hébétude complet, en quelques mois parfois dans les formes sévères.Diagnostic, thérapeutique et prophylaxieDes perturbations importantes de l’équilibre protéique du sérum, avec élévation considérable du taux des gammaglobulines, donnent une note originale, sinon particulière, à la maladie. Le diagnostic au laboratoire est assuré par la découverte des parasites dans le sang, les ganglions et le liquide céphalo-rachidien retiré par ponction lombaire. L’examen du liquide céphalo-rachidien précisera si l’axe neuro-méningé a été envahi ou non, les implications thérapeutiques étant très différentes dans les deux cas. Enfin, des méthodes sérologiques spécifiques apportent depuis plusieurs années leur concours au diagnostic.La thérapeutique fait appel à deux ordres de médications: d’une part, la pentamidine en injections intramusculaires est d’une très réelle efficacité au premier stade de la maladie; d’autre part, des produits arsenicaux, dont la toxicité est certaine et dont l’emploi demande beaucoup de précautions, dès que le malade est entré en phase méningo-encéphalique; certains trypanocides (alpha-difluoro-ornithine) peuvent être envisagés.La prophylaxie a fait reculer mais non disparaître de l’Afrique centrale ce véritable fléau. L’expérience a prouvé que toute négligence dans la stricte application des mesures prophylactiques avait pour rançon un retour de la maladie. Cette prophylaxie s’effectue à l’échelon international, avec des équipes itinérantes spécialisées qui procèdent au dépistage clinique et parasitologique des malades, mettent en route la thérapeutique et contrôlent le résultat des traitements antérieurs. La pentamidine, médication curative, est aussi une arme prophylactique efficace: une seule injection intramusculaire protège le sujet sain pendant six mois. En revanche, la lutte contre les glossines est pleine d’aléas, non que ces diptères soient insensibles aux insecticides, mais leurs mœurs sauvages les rendent difficilement accessibles. De même, les travaux de déboisement, de débroussaillement ne peuvent se concevoir que sur des étendues limitées. Aussi des méthodes biologiques telles que la stérilisation des mâles de glossines par les radiations ionisantes ont-elles été essayées.La trypanosomiase sud-américaineToute différente est la trypanosomiase sud-américaine, ou maladie de Chagas. Son agent pathogène, Trypanosoma cruzi , se présente sous forme trypanosomienne dans le sang et leishmanienne dans les tissus de l’homme et de divers animaux tels que les tatous (cf. FLAGELLÉS, fig. 6). Son inoculation s’effectue non par piqûre, mais par l’intermédiaire des déjections de punaises de la famille des Réduvidés (Rhodnius et Triatoma ). Ces hémiptères, hématophages et à vie nocturne, pullulent dans les terriers et les crevasses des murs ou des toits des habitations rurales; ils s’y infestent en piquant l’animal ou l’homme malade.La maladie atteint surtout l’enfant. Elle sévit sous le mode sporadique et prend des formes très variées, aiguës et chroniques, liées à la dissémination du parasite dans les tissus qu’il détruit, le myocarde en particulier. Dans son aspect le plus évocateur, l’affection débute par des signes d’inflammation au point d’inoculation sur la peau ou au niveau de l’œil avec œdème des paupières et adénopathie satellite. La fièvre est irrégulière; elle s’accompagne d’éruptions cutanées et d’intumescences des ganglions, du foie et de la rate. Des œdèmes et une atteinte cardiaque sont parmi les signes les plus caractéristiques de cette affection aux visages multiples.Les ressources de la thérapeutique sont encore limitées, et, si les insecticides sont actifs contre le vecteur, l’amélioration de l’habitat rural reste la mesure la plus efficace.
Encyclopédie Universelle. 2012.